ESOD pour « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts »

La saison de chasse s’est terminée fin février, mais des animaux peuvent être chassés ou piégés tout au long de l’année : les ESOD. Un drôle d’acronyme pour désigner des animaux que l’on appelait des nuisibles il y a pas si longtemps. Que reproche-t-on aux espèces susceptibles d’occasionner des dégâts? Quelles sont les objections de l’écologie ?

ESOD est un terme « administratif » qui a remplacé, depuis la loi de « reconquête de la biodiversité » en 2016, une expression plus infamante : « espèces d’animaux malfaisants ou nuisibles« . Ainsi, ESOD désigne une espèce représentant une nuisance sur notre alimentation, nos cultures ou d’autres espèces qui nous seraient utiles, bétail et gibier compris, et nécessite dès lors d’être détruite. L’Etat détermine tous les trois ans la liste de ces espèces pouvant être chassées, piégées ou déterrées tout au long de l’année et de manière illimitée, au contraire des quelques 90 espèces chassables uniquement pendant la saison de chasse, soumises, elles, à un quota. Charles Stepanoff, dans son enquête ethnologique sur les chasseurs qualifie la chasse de ces ESOD d’une « forme de vénerie, la plus nombreuse mais certainement la moins connue » et donne pour illustrer son propos l’exemple d’un département, l’Eure-et-Loir, où l’on compte (en 2021) trois équipages de chasse à courre mais aussi 27 équipages de vènerie sous terre agréés pour déterrer 800 renards par an !

Que sont les ESOD?

Les ESOD, l’acronyme pour « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » regroupent des mammifères et des oiseaux à qui l’on impute des dommages listés par le Code de l’environnement (Articles R427-1 à R427-28) : la santé des populations, la sécurité publique, la protection de la flore et de la faune sauvages, la prévention de « dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles » et enfin celle de « dommages à d’autres formes de propriété« . C’est un statut juridique propre à la France.

Les ESOD regroupent trois catégories d’animaux, comme on le verra un peu plus bas. La liste actuelle a été arrêtée en 2023 et restera valable jusqu’en 2026. Elle est donc mouvante ; le blaireau et le putois en ont été retirés en 2019 et en 2021 respectivement. A noter également que la plupart de ces espèces figurent aussi dans la liste des 89 espèces chassables uniquement pendant la saison de la chasse.

On ne s’improvise pas piégeurs d’ESOD. Pour les propriétaires d’un terrain, les piégeurs, les gardes particuliers et les fédérations de chasse, déployer pièges, nasses et collets, passe par l’agrément de la préfecture et l’obligation d’une formation (délivrée par les fédérations de chasse). Dans de rares cas et dans certains départements, les lieutenants de louveterie, une vieille institution française chargée de réguler la faune sauvage, sont sollicités pour assurer le piégeage de ces ESOD.

Qui sont ces animaux « susceptibles d’occasionner des dégâts » ?

  • Catégorie 1 : des espèces invasives, « non indigènes » dit l’arrêté ministériel du 2 septembre 2016. La LPO reconnaît sur son site que chasser ces espèces venues d’ailleurs « peut toutefois apparaître justifiable« , leur introduction accidentelle dans des écosystèmes naturels locaux ayant entraîné la dégradation de ceux-ci. On compte cinq mammifères et un oiseau : le chien viverin, le raton-laveur, le vison d’Amérique, le ragondin, le rat musqué et l’oie bernache du Canada. Ces espèces ont toutes été introduites sur le continent européen pour l’exploitation de leur fourrure, ou bien, dans le cas de l’oie bernache, en vue de la chasse ou pour des raisons ornementales. Elles sont éradiquées car destructrices des habitats aquatiques, des cultures, ou bien porteuses, selon l’espèce, de leptospirose, de la grande douve du foie, de l’échinococcose ou de nématodes transmissibles à d’autres espèces.
     
  • Catégorie 2 : contrairement aux invasifs de la catégorie précédente, ici il s’agit d’espèces indigènes. La liste des espèces chassables est redéfinie tous les trois ans et à l’échelle départementale. Le sort de ces quatre mammifères et cinq oiseaux est donc différent d’un lieu à l’autre et occasionne un débat triennal et récurrent entre chasseurs et associations environnementales pour classer ou déclasser ces espèces de la liste des ESOD. En février 2025, huit fédérations de chasse départementales ont contesté l’absence d’autorisation de chasser certains de ces ESOD indigènes dans leur propre département. Ils ont été déboutés. De son côté, la LPO a tenté par les mêmes voies juridiques d’épargner les renards, belettes et geais des chênes. Une décision est attendue dans le courant de l’année 2025. On trouve dans cette catégorie 2 la belette (Mustela nivalis), la fouine (Martes foina), la martre (Martes martes), le renard (Vulpes vulpes), le corbeau freux (Corvus frugilegus), la corneille noire (Corvus corone corone), la pie bavarde (Pica pica), le geai des chênes (Garrulus glandarius) et l’étourneau sansonnet (Sturnus vulgaris).

  • Catégorie 3 : cette dernière catégorie ne comprend que trois espèces, elle est redéfinie annuellement. D’un département à l’autre, et selon les années, le sanglier (Sus scrofa), le lapin de garenne (Oryctolagus palumbus) et le pigeon ramier (Columba palumbus) deviennent des ESOD ou non. La LPO ne manque pas de souligner qu’ils appartiennent également à la catégorie «du gibier comestible», et leur destruction«s’apparente plutôt à la pratique de la chasse loisir». Ils seront donc chassables tout au long de l’année, ou bien pendant la saison de chasse. Une double peine pour ces animaux. Certains observateurs se posent également des questions sur la cohérence entre la désignation d’un lapin de garenne qui reste perçu comme une nuisance agricole alors qu’il est classé comme menacé sur les listes de l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). Le sanglier, du fait de sa population en augmentation, empiète sur certaines activités humaines. La plus « percutante » étant son empiètement sur le réseau de transport ferroviaire où le suidé provoque retards et accidents.