Grenouilles et crapauds sont encore souvent considérés comme des espèces nuisibles

Au jardin, grenouilles et crapauds sont encore souvent considérés comme des espèces nuisibles. En réalité, ces champions de la biodiversité rendent de nombreux services. La seule nuisance à leur reprocher est d’ordre sonore, pendant la saison de leurs amours…

1 – Ne chassez pas les amphibiens : ils sont protégés !

Si autrefois grenouilles et crapauds pullulaient dans la nature, ils sont devenus de plus en plus rares. La plupart des espèces familières ont vu leur population diminuer de manière dramatique. Certaines, comme le triton lobé, ont même totalement disparu. Depuis 2007, les amphibiens sont désormais protégés par la loi.

Ils font l’objet d’une protection légale stricte.

L’article L411-1 du code de l’Environnement (8 janvier 2021) précise l’interdiction totale de la capture et de la destruction de tout amphibien. Cela concerne les individus adultes, mais aussi les nids et les œufs. Il est interdit de déplacer ou transporter un crapaud ou une grenouille. Interdit également : la vente, l’achat et la détention de batraciens.

Leur protection est encouragée par une incitation fiscale.

Les personnes qui possèdent une propriété non bâtie bénéficient d’avantages fiscaux encourageant la protection des batraciens. Pour en profiter, elles doivent choisir de protéger les lieux humides afin d’y favoriser le développement de la faune. Cela inclut les amphibiens et les oiseaux. À condition de s’engager pour une durée de 5 ans, le propriétaire peut bénéficier d’une exonération de moitié de sa taxe foncière.

Les batraciens sont nécessaires à la biodiversité.

S’ils sont protégés, c’est aussi en raison de leur rôle central dans la biodiversité. Comme on va le voir plus loin, grenouilles et crapauds contribuent fortement à réguler les insectes, entre autres. Ils sont considérés comme des gardiens essentiels des écosystèmes humides.

2 – Nuisances des batraciens : réelles ou imaginaires ?

La grande famille des batraciens souffre d’une réputation de nuisible. De nombreux jardiniers considèrent leur présence comme une menace pour leur jardin. Mais qu’en est-il vraiment ?

Les crapauds seraient toxiques… Mais c’est une légende !

Parmi les préjugés dont souffrent certains batraciens, la toxicité du crapaud est l’un des plus tenaces.

  • Le crapaud utilise ses glandes parotoïdes pour intoxiquer ses prédateurs. Cette toxine est cependant sans danger, que ce soit pour l’homme ou les animaux de compagnies. À moins d’ingurgiter plusieurs crapauds… mais il faut vraiment le vouloir !
  • Il est certain que l’aspect pustuleux de certains crapauds les rend peu sympathiques. Ce n’est pas une raison pour s’en débarrasser ! Il faut savoir regarder au-delà des apparences…
  • Dernier préjugé : embrasser un crapaud le transformerait en prince charmant ! Bon, on sait bien que c’est juste dans les contes pour enfants…

La principale nuisance des grenouilles est sonore.

Les grenouilles ont beau être de petite taille, leur coassement est particulièrement bruyant – surtout en période de reproduction. Les crapauds sont beaucoup plus discrets.

La période la plus sonore s’étend d’avril à juin. Durant ces quelques semaines, les appels amoureux des amphibiens constituent une réelle nuisance sonore.

  • Le coassement des grenouilles est considéré comme un tapage nocturne de 22 h à 7 h du matin. Le propriétaire du terrain peut en être tenu pour responsable dans le cas où les grenouilles sont installées près d’un bassin artificiel. En cas de plainte, il risque une amende qui peut aller de 68 à 450 €.
  • Pour éviter les recours légaux, mieux vaut faire preuve de bonne volonté pour limiter les nuisances. Il est possible notamment, pour attirer moins de grenouilles, de réduire la végétation en surface du bassin ou de la mare. Autre solution : l’installation d’un jet d’eau a pour effet de limiter le coassement. Vous pouvez aussi entourer la mare d’une haie ou d’une barrière acoustique.

3 – Au jardin, les batraciens savent se rendre utiles.

Ce serait dommage de chasser ces excellents auxiliaires de jardinage. Les batraciens ne se contentent pas de coasser à la saison des amours et de faire plouf dans l’eau. Ils rendent quelques services essentiels à la biodiversité, dont les humains profitent largement.

Les crapauds chassent les ravageurs de jardin

Les batraciens se nourrissent d’insectes et de petits invertébrés dont les populations ont besoin d’être régulées. Crapauds et grenouilles sont de redoutables prédateurs de limaces, d’escargots, de vers, cloportes, mille-pattes, sauterelles, mouches, chenilles et autres coléoptères… En une saison, un seul crapaud peut déguster plusieurs milliers de limaces et d’insectes nuisibles !

Ils éliminent aussi les moustiques !

Le goût des batraciens pour les moustiques pourrait suffire à apprécier leur présence à proximité des habitations. Les crapauds chassent les moustiques adultes et mangent leurs larves. On peut le considérer comme un insecticide naturel de premier plan !

Des batraciens au jardin ? Le signe d’un écosystème sain.

La diminution des populations d’amphibiens est en partie liée à leur grande sensibilité aux polluants. Ils sont également très vulnérables à la disparition de leur habitat naturel. Si vous voyez des grenouilles ou des crapauds s’installer dans votre jardin, c’est bon signe ! Cela veut dire que l’écosystème de votre jardin est sain et riche en biodiversité.

5 – Aménagez votre jardin pour accueillir les grenouilles et crapauds

Loin d’être une nuisance, la présence de grenouilles ou de crapauds dans un jardin mérite d’être encouragée.

Préservez leur habitat

En un siècle, quasiment 70 % des zones humides ont disparu. Elles jouent pourtant un rôle essentiel dans la lutte contre la sécheresse. Raison de plus pour préserver celles qui existent, voire en créer une dans votre jardin.

Voici les ingrédients d’un habitat idéal pour batraciens :

  • Un point d’eau ou une zone humide, par exemple une mare ou un bassin, dans un endroit assez ensoleillé. La surface de la mare doit mesurer au moins 2,5 m2. Si elle est parsemée d’un ou deux rochers, les batraciens apprécieront ces îlots de repos.
  • Une mare suffisamment profonde (au moins un mètre de profondeur) pour que les batraciens puissent s’y réfugier et y pondre dans de bonnes conditions.
  • Des berges en pente douce, qui simplifient l’accès au point d’eau.
  • Des herbes hautes sur les berges. Elles apportent de l’ombre et de la fraicheur quand il fait chaud. Il peut s’agir aussi de grosses pierres, de rondins, de tuiles ou de buissons…
  • Des abris frais sur la terre ferme (tas de pierre ou de bois, compost, tas de sable, feuilles mortes, pot de fleurs renversé et semi-enterré, etc). Les batraciens aiment l’humidité mais ils ne passent pas leur vie dans l’eau !

NB : Si vous voulez accueillir des grenouilles, évitez d’installer des poissons dans la mare. Ils se feraient un plaisir de manger les œufs et larves des batraciens.  

Dites non aux pesticides

N’utilisez aucun pesticide ou produit chimique dans votre jardin. Les amphibiens y sont extrêmement sensibles. De toute façon, il est préférable de ne pas utiliser ce genre de produit, pour votre bien et celui de l’environnement.

La disparition des petits animaux de nos mares n’est pas une fatalité. Ils ont été décimés autant par la nature (notamment la chytridiomycose et l’augmentation du taux d’ultraviolets) que par l’action de l’homme. Leur mortalité est en partie due à la perte de leur habitat au profit de celui des humains, ainsi qu’à la circulation routière. Si vous le pouvez, faites de votre jardin un havre de paix pour batraciens.

Par Pascale Marquet