On a longtemps ignoré comment le parasite responsable de la toxoplasmose se reproduit. Or, c’est un savoir indispensable pour développer des traitements contre la maladie. Une équipe de chercheurs a récemment levé une partie du voile sur le mode de reproduction de Toxoplasma gondii grâce à un modèle créé in vitro.
On estime que 50 % de la population française est infectée par Toxoplasma gondii. Le parasite à l’origine de la toxoplasmose est l’un des plus répandus de la planète, et c’est aussi l’un des plus mystérieux. Si la maladie est bénigne chez la plupart des individus en bonne santé, elle peut avoir des conséquences graves pour le fœtus lorsqu’elle est contractée lors de la grossesse et chez les immunodéprimés – des patients qui ont reçu une greffe ou qui sont porteurs du VIH. Les symptômes quant à eux évoquent une grippe : fièvre, douleurs musculaires, ganglions enflés.
Le parasite possède un cycle de vie qui alterne entre une phase asexuée, responsable de la maladie, et une phase sexuée, qui se produit uniquement dans l’intestin du chat. Cette dernière est mal connue et, pour des raisons éthiques, les recherches sur le félin sont limitées. Mais l’équipe de Mohamed-Ali Hakimi, directeur de recherche Inserm à Grenoble, a réussi à décrire le cycle sexué du parasite grâce à un modèle in vitro. « En 2020 nous avions constaté qu’une protéine appelée MORC agit comme un disjoncteur général, capable de stopper le processus de reproduction du parasite », raconte l’infectiologue. Dans une étude publiée en début d’année, l’équipe est allée encore plus loin. Elle a montré qu’en inactivant précisément deux facteurs de transcription associés à MORC, des gènes de la phase sexuée s’activent : le parasite est ainsi forcé à entamer son processus de reproduction dans une boîte de Pétri comme il le ferait dans l’intestin du chat. « Ce que nous avons réussi à faire aujourd’hui, décrire les formes sexuées de Toxoplasma gondii, est une première mondiale », se réjouit-il.
Lutter contre la transmission des félidés à l’humain
De façon assez surprenante, c’est en jouant avec l’épigénétique du parasite que les chercheurs sont parvenus à révéler la part d’ombre de son cycle reproductif. On pourrait penser qu’il s’agit de travaux purement fondamentaux, mais en réalité ils apportent de l’espoir pour le développement de traitements innovants. « Nous allons pouvoir trouver de nouvelles molécules qui ciblent les protéines présentes dans la forme sexuée du parasite chez le chat pour lutter contre la transmission de la toxoplasmose à l’humain », souligne Mohamed-Ali Hakimi.
Tout comme la Covid-19, la toxoplasmose est une zoonose, c’est-à-dire qu’elle est transmise à l’humain par les animaux. Or, certaines souches mutées du parasite retrouvées dans les félidés sauvages (cougars, tigres…) sont plus dangereuses et pourraient provoquer une épidémie inquiétante si elles venaient à nous infecter via un passage par nos chats domestiques. « Si l’on doit retenir une leçon de la pandémie de Covid-19, c’est d’assurer une veille scientifique forte sur les zoonoses pour être prêts en cas de percée épidémique », prévient le chercheur. L’étude de Toxoplasma gondii intéresse aussi le domaine de la psychiatrie, car il pourrait y avoir un lien entre les kystes de ce parasite neurotropique nichés dans le cerveau des personnes infectées et des troubles psychiatriques comme la schizophrénie, la bipolarité ou encore la maladie d’Alzheimer. « Ce sont des travaux innovants car on réunit autour de la table des infectiologues et des neurologues, deux branches qui travaillent généralement peu ensemble. » Les recherches sur ce discret parasite pourraient donc s’intensifier dans les prochaines années et déboucher encore sur d’importantes découvertes.
Mohamed-Ali Hakimi dirige l’équipe Toxoplasmose & Hôte-parasite coévolution à l’Institut pour l’avancée des biosciences (unité 1209 Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), à Grenoble.
Source : Antunes et al. In vitro production of cat-restricted Toxoplasma pre-sexual stages. Nature, 13 décembre 2023 ; doi : 10.1038/s41586-023–06821‑y
Toxoplasmose : On estime que 50 % de la population française est infectée par Toxoplasma gondii
On a longtemps ignoré comment le parasite responsable de la toxoplasmose se reproduit. Or, c’est un savoir indispensable pour développer des traitements contre la maladie. Une équipe de chercheurs a récemment levé une partie du voile sur le mode de reproduction de Toxoplasma gondii grâce à un modèle créé in vitro.
Un article à retrouver dans le magazine de l’Inserm n°60
On estime que 50 % de la population française est infectée par Toxoplasma gondii. Le parasite à l’origine de la toxoplasmose est l’un des plus répandus de la planète, et c’est aussi l’un des plus mystérieux. Si la maladie est bénigne chez la plupart des individus en bonne santé, elle peut avoir des conséquences graves pour le fœtus lorsqu’elle est contractée lors de la grossesse et chez les immunodéprimés – des patients qui ont reçu une greffe ou qui sont porteurs du VIH. Les symptômes quant à eux évoquent une grippe : fièvre, douleurs musculaires, ganglions enflés.
Le parasite possède un cycle de vie qui alterne entre une phase asexuée, responsable de la maladie, et une phase sexuée, qui se produit uniquement dans l’intestin du chat. Cette dernière est mal connue et, pour des raisons éthiques, les recherches sur le félin sont limitées. Mais l’équipe de Mohamed-Ali Hakimi, directeur de recherche Inserm à Grenoble, a réussi à décrire le cycle sexué du parasite grâce à un modèle in vitro. « En 2020 nous avions constaté qu’une protéine appelée MORC agit comme un disjoncteur général, capable de stopper le processus de reproduction du parasite », raconte l’infectiologue. Dans une étude publiée en début d’année, l’équipe est allée encore plus loin. Elle a montré qu’en inactivant précisément deux facteurs de transcription associés à MORC, des gènes de la phase sexuée s’activent : le parasite est ainsi forcé à entamer son processus de reproduction dans une boîte de Pétri comme il le ferait dans l’intestin du chat. « Ce que nous avons réussi à faire aujourd’hui, décrire les formes sexuées de Toxoplasma gondii, est une première mondiale », se réjouit-il.
Lutter contre la transmission des félidés à l’humain
De façon assez surprenante, c’est en jouant avec l’épigénétique du parasite que les chercheurs sont parvenus à révéler la part d’ombre de son cycle reproductif. On pourrait penser qu’il s’agit de travaux purement fondamentaux, mais en réalité ils apportent de l’espoir pour le développement de traitements innovants. « Nous allons pouvoir trouver de nouvelles molécules qui ciblent les protéines présentes dans la forme sexuée du parasite chez le chat pour lutter contre la transmission de la toxoplasmose à l’humain », souligne Mohamed-Ali Hakimi.
Tout comme la Covid-19, la toxoplasmose est une zoonose, c’est-à-dire qu’elle est transmise à l’humain par les animaux. Or, certaines souches mutées du parasite retrouvées dans les félidés sauvages (cougars, tigres…) sont plus dangereuses et pourraient provoquer une épidémie inquiétante si elles venaient à nous infecter via un passage par nos chats domestiques. « Si l’on doit retenir une leçon de la pandémie de Covid-19, c’est d’assurer une veille scientifique forte sur les zoonoses pour être prêts en cas de percée épidémique », prévient le chercheur. L’étude de Toxoplasma gondii intéresse aussi le domaine de la psychiatrie, car il pourrait y avoir un lien entre les kystes de ce parasite neurotropique nichés dans le cerveau des personnes infectées et des troubles psychiatriques comme la schizophrénie, la bipolarité ou encore la maladie d’Alzheimer. « Ce sont des travaux innovants car on réunit autour de la table des infectiologues et des neurologues, deux branches qui travaillent généralement peu ensemble. » Les recherches sur ce discret parasite pourraient donc s’intensifier dans les prochaines années et déboucher encore sur d’importantes découvertes.
Mohamed-Ali Hakimi dirige l’équipe Toxoplasmose & Hôte-parasite coévolution à l’Institut pour l’avancée des biosciences (unité 1209 Inserm/CNRS/Université Grenoble Alpes), à Grenoble.
Source : Antunes et al. In vitro production of cat-restricted Toxoplasma pre-sexual stages. Nature, 13 décembre 2023 ; doi : 10.1038/s41586-023–06821‑y
Autrice : L. A.