L’Australie est le seul pays au monde à considérer le dromadaire comme un nuisible

L’Australie est le seul pays au monde qui n’abrite aucune espèce endémique ongulée, autrement dit des animaux à sabots. Et pourtant, l’île-continent compte aujourd’hui la plus vaste population de camélidés de la planète. Importés il y a 150 ans par les colons britanniques pour explorer l’intérieur désertique du pays, ils y ont prospéré en l’absence de prédateurs naturels, au point de devenir un énorme problème. Ils sont officiellement considérés comme une espèce nuisible par les autorités, qui organisent régulièrement des opérations d’abattage. En marge, certains essaient d’en tirer profit, à travers le tourisme ou le commerce de leur viande.

Ce panneau routier avertit les conducteurs de la présence d'animaux sauvages, dont des dromadaires, susceptibles de se promener sur la route en traversant les plaines de Nullarbor, dans le sud de l'Australie.
Ce panneau routier avertit les conducteurs de la présence d’animaux sauvages, dont des dromadaires, susceptibles de se promener sur la route en traversant les plaines de Nullarbor, dans le sud de l’Australie. © Robbie Goodall / Getty Images

De notre correspondant à Sidney,

Clifton Hills Station, c’est une ferme gigantesque en plein centre de l’Australie, la deuxième plus grande ferme de la planète. On y compte environ 1 km² de terrain par vache, ce qui peut sembler énorme, mais c’est en fait essentiel au vu du climat et de l’environnement local. « On est au bord du désert de Simpson, du désert de pierres de Sturt et du désert de Strzelecki, explique Peter Nunn, le gérant de Clifton Hills Station. L’année dernière, on n’a eu que 10 mm de pluie. Ce n’est pas évident, mais les bœufs grossissent bien ici. Il faut juste savoir s’adapter aux conditions. »

Les conditions auxquelles fait référence Peter Nunn ne sont pas seulement météorologiques : pour s’assurer du bien-être de ses bêtes, il doit également composer avec une espèce considérée comme nuisible en Australie et qui pullule dans cette région désertique : « Il y a beaucoup de dromadaires qui viennent ici. L’année dernière, il y en a 600 qui ont débarqué. Ils détruisent les clôtures, ils détruisent les abreuvoirs…  On gère la situation comme on peut. » 

Avec le concours des autorités, des centaines de dromadaires sauvages sont ainsi abattus chaque année. Cette mesure est controversée à l’étranger, mais jugée inévitable en Australie. Il y aurait plus d’un million de dromadaires en Australie et, sans intervention, leur population double tous les dix ans. 

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Les dromadaires, « un animal parfaitement conçu pour résister au réchauffement climatique »

Ryan McMillan pense que son pays pourrait mieux gérer le problème. Il organise des randonnées à travers la chaîne de Flinders et s’apprête à partir pour 15 jours dans les montagnes avec un groupe de touristes. « Personne ne monte sur le dos des dromadaires, tout le monde marche, mais ils transportent tout notre matériel, notre nourriture, l’eau, nos sacs de couchage… On n’est que deux à proposer ces excursions avec cette méthode traditionnelle. C’est quelque chose qui se perd, mais c’est une manière incroyable de parcourir l’outback australien », s’enthousiasme le guide. 

Pour Ryan McMillan, les dromadaires ne sont pas des nuisibles, mais une formidable ressource largement inexploitée et qui pourrait s’avérer cruciale à l’avenir : « On a un animal parfaitement conçu pour résister au réchauffement climatique. Ils prospèrent dans le désert australien, alors que rien d’autre n’y survit. Il y a d’autres pays dans le monde qui l’utilisent, c’est un moyen de transport qui n’est pas assez exploité. »

Si le marché de la viande de dromadaire est embryonnaire et essentiellement tourné vers l’export, celui du lait présente un très fort potentiel : plus riche en protéines et plus digeste que le lait de vache, il gagne en popularité à l’international. Pour l’Australie, l’espèce nuisible d’hier pourrait devenir l’opportunité de demain. Ainsi, l’an dernier, un producteur de lait de dromadaire a reçu un coup de pouce de deux millions et demi d’euros pour développer son activité.

Par :Grégory Plesse

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