La majorité des éleveurs français ont des rats !

Malgré le succès du dessin animé « Ratatouille », les rongeurs n’en demeurent pas moins nuisibles. Pertes économiques, dégradation des infrastructures voire transmission de maladies… mieux vaut ne pas expérimenter la cohabitation ! Boris Boubet, vétérinaire et directeur de Farago Creuse, nous explique comment se débarrasser des rats, souris et autres rongeurs.

Les rats sont des animaux très prolifiques. Leur temps de gestation est court (20 à 24 jours), et la maturité sexuelle vite atteinte (6 semaines). « En conditions optimales, une rate peut avoir jusqu’à 6 portées par an, avec une dizaine de petits à chaque fois », insiste Boris Boubet, vétérinaire pour Farago Creuse. Avec une telle prolificité, on peut vite se laisser dépasser ! D’autant que les dégâts sont conséquents. Un rat peut consommer jusqu’à 150 kg d’aliment par an, et détériorer nombre d’infrastructures. Il s’attaque à tout ce qui peut être rongé, câbles électriques, matériel d’isolation… Sans compter que l’urine de rongeur n’apporte rien de bon aux structures des bâtiments !

L’évolution sociétale qui veut que l’on prohibe les produits chimiques, et que l’on cherche à cohabiter avec les rats nous conduit à de graves problèmes sanitaires.

Mais le principal enjeu est peut-être sanitaire. Pour le vétérinaire, le doute n’est pas permis « les rats sont des nuisibles ». Leur urine peut être vectrice de leptospirose ou de salmonelles, et « les deux sont des zoonoses ». Sans compter qu’elles ne sont pas les seules maladies transmises par le rongeur. Florence Ayral, vétérinaire et enseignante-chercheuse en pathologie infectieuse a justement réalisé une thèse sur la question en 2019. Résultat, 48 agents zoonotiques ont été retrouvés parmi les rats des villes, et 20 parmi les rats des champs. Ils peuvent également être porteurs de bactéries antibiorésistantes. « Cela montre bien qu’il y a un enjeu de santé publique derrière la dératisation, mais aussi un enjeu de santé vétérinaire. Si le rat noir est vecteur de 20 maladies transmissibles à l’homme, il est potentiellement porteur de maladies transmissibles aux animaux d’élevage », commente le vétérinaire.

La lutte contre les rongeurs fait donc partie intégrante des mesures de biosécurité à mettre en place dans un élevage. Car souvent, « lorsqu’on commence à voir des rongeurs, c’est qu’il y a déjà beaucoup d’animaux ». Les rats étant de nature discrète, en voir un peu signifie que 20 à 30 sont déjà présents !

Les 3/4 des éleveurs ont des rats !
D’après un sondage réalise sur Web-agri du 23/05/23 au 30/05/23, les trois quarts des éleveurs observent la présence de rats sur leurs exploitations. 25 % d’entre eux observent même des dégâts conséquents.

Nettoyer les abords de l’exploitation

« Avant d’intervenir, il est essentiel d’identifier le type de rats présents sur l’exploitation. » Car il existe bien un rat des villes, et un rat des champs. Le rat noir (ratus ratus), qui concerne plutôt la ruralité, vit dehors l’été, et a tendance à rentrer dans les bâtiments durant l’automne. Discret, il est plus peureux que son cousin, le rat norvégien (ratus norvegicus), qui vit davantage au contact des humains.

Pour les traquer, il faut comprendre leur fonctionnement. « Les rats sont des animaux sociaux, organisés, et féroces entre eux. » Ils s’organisent en colonie autour d’une rate (leur cheffe de clan), et élisent domicile à proximité d’une ressource alimentaire. « Les colonies les plus fortes sont celles qui se trouvent au plus près de la ressource », décrypte Boris Boubet.

Le premier angle d’attaque consiste donc à leur retirer le couvert. Mais le vétérinaire en convient, « c’est parfois difficile à mettre en place sur une exploitation agricole ». La seconde option revient à leur supprimer le gîte. Les travaux de dératisation en élevage débouchent généralement sur un travail autour de l’hygiène globale du site. « Ils n’aiment pas être exposés aux quatre vents. Ils préféreront toujours un terrier proche d’un buisson, d’un tas de ferraille… ». Bref, plus la ferme est rangée, moins le rat aura d’occasions de s’installer.

Poser des postes d’appâtage

Mais en cas d’infestation, le nettoyage ne suffit pas. L’utilisation d’un raticide est généralement recommandée. Attention toutefois à ne pas l’appliquer n’importe comment et n’importe où. « Ce qui tue un rat peut tuer un chat ou un chien. Et même un homme avec des quantités importantes », met en garde le directeur de Farago Creuse.

Pour ce faire, on utilise généralement des postes d’appâtage. Ces petites boîtes fermées à clé avec des trous pour que le rongeur s’y faufile, permettent de manipuler les rodenticides (produits destinés à l’élimination des rongeurs) en toute sécurité. Si cette technique a fait ses preuves dans l’industrie agroalimentaire, le rat noir, majoritairement présent dans les exploitations, donne du fil à retordre. Assez méfiant, « il ne rentre pas dans une boîte ». Préférer des parpaings retournés, pour présenter les rodenticides sans qu’il ne se répande. Privilégier également les combles où les rongeurs aiment à se réfugier.

Opter pour un poison à base d’anticoagulant

Attention également au produit utilisé. « Les rodenticides sont généralement à base d’anticoagulant, et mettent une dizaine de jours à agir ». Un procédé qui permet de contourner l’organisation sociale des rats. « Les animaux les plus âgés envoient les plus jeunes goûter la nourriture lorsqu’une nouvelle ressource est découverte. Le reste de la colonie va alors se pencher sur l’aliment au bout de 5 ou 7 jours, s’il voit que les jeunes n’ont aucun symptôme ». L’utilisation d’un poison à effet immédiat aurait pour effet d’éveiller les soupçons sur le poste d’appâtage.

Mais les appâts ne servent pas qu’à présenter du poison. « Si l’on pense que l’on n’a pas (ou peu) de rongeurs, il peut être bon de les alimenter pour surveiller l’évolution de la population ». Car en exploitation agricole, le zéro rat est « impossible à tenir » insiste le vétérinaire. « On travaille plutôt dans une logique de régulation de la population. Le zéro rongeur est plutôt réservé pour les métiers de bouche. Avec des stabulations ouvertes et du stockage d’aliment, c’est difficile de prétendre éliminer totalement les nuisibles. L’essentiel est de contrôler la population pour ne pas se laisser dépasser ».Les pièges, peu adaptés aux bâtiments agricoles
Pour le vétérinaire, la lutte chimique est la voie la plus adaptée dans les fermes. « Des évolutions réglementaires visent à faire travailler les dératiseurs avec de moins en moins de rodenticides, mais l’organisation des exploitations ne permet pas de se passer de poison. Les stabulations sont ouvertes, on ne peut pas miser sur l’étanchéité des infrastructures et les pièges pour contenir les nuisibles à l’extérieur ».

Ne pas hésiter à appeler un professionnel

Si des produits de dératisation existent en vente libre, préférer les produits à destination des professionnels. Ces derniers sont dosés à 50 ppm, contre 25 pour les rodenticides destinés aux particuliers. Mais l’utilisation de ces produits n’est pas sans danger. Les professionnels de la dératisation bénéficient d’un certibiocide qui leur permet de manipuler ces poisons. Pour Boris Boubet, « rien ne vaut l’expertise du dératiseur ». Car ça n’est pas tout d’avoir le produit, mais encore faut-il savoir où l’appliquer. « Il va savoir à quelle espèce on a affaire, où poser les postes d’appâtage et surtout quel produit et sur quel appât l’appliquer ». Le savoir-faire du dératiseur permet également de limiter la quantité de produit utilisée. « On compte souvent entre 4 et 5 fois moins de rodenticides utilisés pour un même résultat ».

D’autant que la prestation n’est pas très onéreuse. Compter dans les 250 – 300 € pour un contrat de base chez Farago Creuse. Une formule qui comprend un passage par trimestre, avec la pose et le relevé des appâts. « Ça peut paraître assez espacé, mais le dératiseur connaît la quantité de produit à placer sur les appâts pour cette durée. On pourrait être plus efficace en passant chaque mois, mais ça n’est pas forcément nécessaire de revenir plus souvent en exploitation, on n’est pas sur les mêmes contraintes que dans l’industrie ou pour des métiers de bouche. ».

Alice Peucelle 

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