Nouvelle incarnation d’une nature en surchauffe, la chenille processionnaire a refait son apparition en Sud-Aveyron profitant des premiers jours de beau et d’un mercure qui tutoie les 20 °C pour se remettre en action.
Particulièrement urticante, potentiellement mortelle pour les chiens ou les chats, cette larve de papillons de nuit hante l’hiver les houppiers des forêts des Causses avant de lancer sa grande transhumance en quête d’un sol meuble pour parachever sa transformation.
Bien connue des randonneurs, cyclistes et traileurs sud-aveyronnais, la processionnaire du pin a pris ses habitudes sur le causse Noir ou le causse du Larzac avec un pic « très impressionnant » en 2019. Colonisant toujours davantage d’espaces.
L’impact du réchauffement climatique
« Contrairement aux apparences, c’est une espèce très ancienne chez nous, confirme Laure Jacob, chargée de mission faune et flore pour le PNR des Grands Causses. Liée à l’implantation du pin noir vers les années 1800. La processionnaire fait depuis partie d’un cycle de vie et contribue à un certain équilibre qu’il est nécessaire de préserver. »
Un équilibre que la spécialiste surveille de près. Le réchauffement hivernal global ayant pour conséquence de voir se multiplier les colonies que seule une température de – 16 °C peut éradiquer. Valeurs qui ne sont désormais que très rarement atteintes dans les régions d’Europe de l’Ouest : l’aire d’expansion de la Thaumetopoea pityocampa.
Y a-t-il pour autant péril en la demeure ? « Non », répond la spécialiste. « Chacun à effectivement sa vision du phénomène qui est liée à sa propre activité. Comme les amateurs d’activités de pleine nature fréquentent souvent les mêmes lieux que le Lépidoptère, des sentiers abrités sur des versants bien exposés au soleil, on peut avoir l’impression qu’il y en a plus que l’année passée. Mais si on s’enfonce un peu plus loin dans la forêt, on pourra constater qu’il n’y a pas ou peu de cocons. »
« On n’éradique pas une espèce »
Avec un hiver relativement doux, difficile pour autant d’anticiper ce que nous réserve 2024. Beaucoup craignant que les Causses soient saturés de chenilles comme en 2019, année marquée par une quantité de chenilles « hors-norme ». Heureusement, jamais égalée depuis ? « C’est très difficile à anticiper car cela dépend d’une multiplicité de facteurs », reconnaît Laure Jacob. Mais nous n’avons pour l’heure pas de remontées de terrain qui pourraient laisser présager d’une présence plus forte que les années passées. »
Pas davantage de certitudes en matière de prophylaxie. « À chaque stade ses solutions… mais aucun moyen de prévention, aucune recette de grand-mère, valide la chargée de mission. Il existe en revanche des « éco-pièges » naturels à installer sur le tronc des arbres infectés. Ils fonctionnent plutôt bien ».
Avec le bacille de Thuringe, insecticide biologique à n’utiliser qu’en présence de l’intrus, le PNR préconise l’installation de nichoirs à mésange, autre prédateur naturel de la chenille. Financés par le Département, 200 viennent d’ailleurs d’être répartis entre les communes le plus exposées.
Si rien ne semble vouloir stopper la prolifération de la Thaumetopoea pityocampa dont le front de colonisation progresse de 5 km par an, pourquoi ne pas raser les pinèdes des causses ? « N’oublions pas que l’on parle d’une larve de papillon. Qui peut se déplacer… Par ailleurs, on n’éradique pas une espèce, plaide Laure Jacob. Elle fait partie de la vie de la forêt dont bénéficient les prédateurs, les insectivores, la huppe, la mésange… Et tout une microfaune qui consomme des chenilles. »